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Le numéro EORI, acronyme de « Economic Operators Registration and Identification », est devenu un élément incontournable pour toute entreprise importatrice souhaitant opérer en conformité avec la réglementation douanière européenne. Depuis son instauration en 2009, ce dispositif a connu une adoption massive, avec plus de 5 millions d’enregistrements validés à ce jour. Tant les grandes entreprises que les PME, y compris les filières agricoles et industrielles, ont compris la portée stratégique d’une immatriculation EORI : elle garantit une traçabilité fiable, un traitement accéléré des formalités et une diminution des risques de blocage aux frontières. Cet article vise à détailler les fondements juridiques de cette obligation, à identifier les principaux risques encourus en cas de non-conformité et à proposer des pistes de prévention pour sécuriser cet identifiant essentiel.
Le cadre réglementaire entourant l’obligation d’immatriculation EORI se décline à deux niveaux principaux : les textes européens définissant l’outil et ses modalités, puis leur transposition et application au niveau national français. Comprendre cette architecture juridique est indispensable pour appréhender les responsabilités de chaque opérateur économique et anticiper les risques de non-conformité. La cohérence entre la réglementation communautaire, incarnée par le Code des douanes de l’Union et ses règlements d’exécution, et le droit interne français, via le Code des douanes national et les instructions de la DGDDI, constitue le socle de la démarche de respect des obligations EORI.
Le Code des douanes de l’Union (règlement UE n° 952/2013) constitue la pierre angulaire de l’obligation d’identification des opérateurs économiques. Son article 18 impose que tout opérateur souhaitant déclarer des marchandises à l’importation ou à l’exportation au sein de l’Union dispose d’un unique identifiant délivré par l’État membre où il est établi. Cette référence garantit une harmonisation procédurale à l’échelle européenne et évite la multiplication des numéros selon les pays de destination ou d’origine. L’objectif principal est de fluidifier les échanges tout en renforçant la sécurité des transactions transfrontalières.
Le règlement d’exécution UE 2015/2447, dit « DCA » pour Douane Code Implementing Act, complète le CDU en précisant les modalités techniques et opérationnelles de l’obligation EORI. Il détaille notamment les informations à fournir lors de la demande (preuve d’existence légale, données fiscales, coordonnées complètes) et instaure des processus de vérification pour les États membres. Les annexes du texte définissent les formats normalisés, prévoient les contrôles de validité et déterminent les procédures de suspension ou de retrait du numéro en cas d’infractions graves.
Au niveau national, le Code des douanes français intègre les dispositions communautaires dans ses articles relatifs à l’identification des opérateurs. Les articles 284 à 289 préviennent que toute entreprise ou personne physique souhaitant introduire ou expédier des marchandises sur le territoire de l’Union doit préalablement obtenir un numéro EORI. Les manquements à cette formalité peuvent être sanctionnés par des pénalités financières prononcées par la Direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI). Cette transposition se veut fidèle aux exigences européennes tout en adaptant certains seuils et calendriers aux spécificités françaises.
Par ailleurs, la DGDDI publie régulièrement des circulaires et instructions détaillant les modalités d’application et d’exploitation du système EORI. Ces documents techniques précisent les délais de délivrance, les justificatifs exacts attendus (extrait Kbis, déclaration d’existence, numéro SIREN), ainsi que les procédures de réclamation en cas de refus ou de suspension. Ils assurent la cohérence des pratiques entre les différentes directions régionales, tout en offrant aux opérateurs une visibilité sur leurs obligations et droits.
L’obligation EORI concerne tous les opérateurs établis dans l’Union européenne, quelle que soit leur taille, dès lors qu’ils interviennent dans des opérations douanières. Cela inclut les importateurs, les exportateurs, les transitaires, les commissionnaires en douane, mais également les courtiers et mandataires. Les opérateurs résidant hors UE doivent, pour certaines opérations, désigner un représentant fiscal ou un mandataire douanier disposant d’un EORI valide pour prendre en charge leurs formalités.
Les particularités liées au commerce en ligne méritent une attention spécifique. Les plateformes de vente comme « Fulfilment by Amazon » ou autre prestataire de logistique intégré doivent s’assurer que chaque vendeur, qu’il soit européen ou situé en pays tiers, est doté de son propre numéro EORI ou d’un représentant basé dans l’UE. L’absence de numéro pour un vendeur tiers peut entraîner la suspension de compte, la taxation sur la base du forfaitaire ou l’immobilisation des marchandises en douane.
L’obligation d’immatriculation EORI se décline selon plusieurs volets complémentaires : la demande, l’utilisation systématique dans les déclarations et la liaison avec d’autres régimes de sécurité et de contrôle. Les importateurs doivent maîtriser l’ensemble de ces dimensions pour assurer la validité de leurs formalités et éviter des retards ou des litiges avec les autorités douanières. Le numéro EORI constitue ainsi le socle identitaire incontournable de toutes les interactions avec la douane européenne, qu’il s’agisse de procédures simplifiées ou de régimes suspensifs.
Pour obtenir un numéro EORI, l’entreprise doit constituer un dossier auprès de la DGDDI ou, si elle est établie dans un autre État membre, auprès de l’administration douanière locale. Les pièces justificatives exigées comprennent généralement un extrait Kbis ou équivalent, la preuve d’activité réelle en tant qu’opérateur économique, un numéro SIREN valide et les coordonnées complètes du siège social. L’instruction du dossier prend généralement entre cinq et dix jours ouvrés, sous réserve de la complétude des informations fournies.
La fiabilité des données soumises est essentielle : toute incohérence entre le SIREN, le nom commercial ou l’adresse peut conduire à un rejet ou à une suspension du numéro. Les opérateurs doivent veiller à la mise à jour de ces éléments, notamment en cas de changement d’adresse, de fusion-acquisition ou de modification de la dénomination sociale. Le règlement DA impose également une procédure de modification accessible via le portail des douanes, garantissant ainsi la cohérence permanente du fichier EORI.
Une fois obtenu, le numéro EORI doit être systématiquement utilisé sur l’ensemble des déclarations douanières, qu’il s’agisse du DAU (Document Administratif Unique) à l’importation, de la déclaration d’exportation ou de la notification préalable d’arrivée via l’ENS (Entry Summary Declaration). Cette exigence d’usage uniforme permet aux services douaniers de relier chaque transaction à l’identifiant unique de l’opérateur, facilitant la traçabilité des flux et le ciblage des contrôles.
Au-delà de la déclaration de marchandises, l’EORI impacte également la gestion de la TVA à l’importation et des régimes suspensifs tels que l’entreposage ou le régime de l’admission Temporaire. En cas d’omission ou d’erreur sur le numéro EORI, l’opérateur s’expose à un refus de dédouanement ou à des redressements fiscaux. Les opérateurs en régime suspensif doivent veiller à la cohérence entre le numéro EORI et les garanties financières associées pour éviter la perte du bénéfice du régime.
La lutte contre le terrorisme et la sécurité-sûreté des échanges impliquent l’interfaçage de l’EORI avec le régime ENS, qui impose la transmission d’une déclaration sommaire de sécurité avant l’arrivée des marchandises. Cette exigence garantit aux autorités une visibilité en amont des cargaisons et permet la mise en œuvre de contrôles ciblés. L’opérateur doit donc disposer d’un EORI opérationnel pour déposer son ENS et éviter des sanctions liées à une présentation tardive ou erronée.
Par ailleurs, la multiplication des régimes d’embargo, des mesures CFIUS pour les importations américaines et des contrôles à l’exportation sous EAR (Export Administration Regulations) renforce la nécessité d’un suivi précis de l’EORI. Ce numéro sert de repère pour retracer l’historique des opérations, identifier rapidement les anomalies et satisfaire aux exigences de conformité extracommunautaire, notamment pour les filières sensibles comme les équipements à double usage.
Le non-respect de l’obligation EORI peut générer des conséquences lourdes pour l’entreprise, tant sur le plan administratif que pénal ou contractuel. Les sanctions financières s’ajoutent aux perturbations logistiques, aux retards de livraison et à la détérioration de la réputation. Il est donc essentiel d’anticiper ces risques, de mettre en place des procédures internes de contrôle et de recourir, le cas échéant, à des expertises externes pour sécuriser l’immatriculation et l’usage du numéro.
Les autorités douanières disposent d’un large pouvoir pour infliger des amendes en cas d’absence, d’utilisation d’un numéro EORI erroné ou de déclaration incomplète. Ces pénalités peuvent atteindre plusieurs milliers d’euros par infraction constatée. Par ailleurs, en cas d’omission sur la déclaration de TVA à l’importation, l’administration fiscale peut appliquer des redressements avec majorations et intérêts de retard, aggravant le coût global de la non-conformité.
Au-delà des amendes, les produits peuvent être bloqués en douane, entraînant des coûts de stockage et de logistique supplémentaires. Dans les cas les plus graves, la douane peut procéder à la saisie des marchandises, notamment si elle suspecte une fraude ou une tentative de dissimulation. Les délais d’expertise et de jugement peuvent prolonger l’immobilisation pendant plusieurs semaines, voire plusieurs mois, contraignant l’opérateur à réorganiser sa chaîne d’approvisionnement.
Lorsque la falsification du numéro EORI ou la dissimulation d’informations est avérée, le dirigeant et, le cas échéant, les personnes physiques responsables peuvent être poursuivis pénalement. L’infraction au Code des douanes, définie comme « dissimulation ou fausse déclaration », expose à des peines d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à cinq ans et à des amendes majeures. La jurisprudence récente illustre la sévérité des tribunaux à l’encontre des entreprises ayant sciemment utilisé un EORI inexact pour réduire artificiellement leur charge fiscale.
Des cas d’école viennent souligner l’importance de la vigilance : une entreprise de la filière automobile a été condamnée après avoir continué d’utiliser un numéro EORI déclaré à tort inactif suite à une fusion, générant une fraude évaluée à plus de 2 millions d’euros. La justice a retenu la responsabilité pénale de plusieurs dirigeants pour complicité de fraude douanière, démontrant que l’obligation est strictement personnelle et ne saurait être déléguée sans vigilance.
En cas de préjudice causé à un client ou à un partenaire logistique, tels que retards de livraison ou immobilisation de cargaisons, l’entreprise importatrice peut être tenue civilement responsable. Le transporteur ou le commissionnaire en douane peut engager une action en responsabilité contractuelle, fondée sur la non-exécution de ses obligations de mise à disposition des marchandises. Les clauses de force majeure ne sauraient être invoquées si la défaillance résulte d’une non-conformité volontaire ou d’une négligence avérée dans l’obtention du numéro EORI.
Les assurances professionnelles peuvent couvrir certains risques liés à la conformité douanière, mais la plupart des polices excluent expressément les fraudes délibérées et les infractions pénales. La rédaction de clauses contractuelles types, prévoyant la vérification systématique du numéro EORI du cocontractant et la répartition claire des responsabilités, constitue une pratique fortement recommandée pour limiter l’exposition au risque et protéger l’entreprise en cas de litige.
Pour prévenir les écueils liés à l’immatriculation EORI, l’entreprise doit mettre en place une organisation robuste, intégrant des processus d’audit, des outils de contrôle en temps réel et des actions de formation ciblées. La combinaison d’une gouvernance dédiée, d’une intégration informatique performante et d’une veille réglementaire continue constitue le socle d’une démarche pérenne et résiliente face aux évolutions de la législation douanière.
La désignation d’un référent douane ou d’un service dédié au suivi des formalités EORI est une première étape cruciale. Ce référent doit disposer d’un accès direct aux portails des douanes, être formé aux règles de classement tarifaire et coordonner les échanges avec les directions juridiques et financières. L’instauration d’un comité interne « douane et commerce international » permet de renforcer la cohérence entre les différents services et de tracer toutes les demandes et mises à jour relatives au numéro EORI.
L’intégration d’API douanières permettant la vérification instantanée du numéro EORI constitue un atout majeur pour éviter les erreurs de saisie. En connectant le WMS, le TMS ou l’ERP à la base EORI, l’entreprise automatise les contrôles, signale les numéros expirés ou incomplets et génère des alertes en cas de déclaration douteuse. Cette automatisation réduit significativement les risques d’erreur humaine et accélère la fiabilisation des processus de dédouanement.
L’entreprise doit instaurer une procédure documentée pour mettre à jour l’identifiant interne en cas de changement de SIREN, de fusion ou de modification de statut juridique. Un audit semestriel du référentiel EORI, couplé à une veille réglementaire sur les modifications des règlements européens et des instructions nationales, garantit une conformité permanente. Des partenariats avec des cabinets de conseil spécialisés peuvent compléter cette veille et offrir une expertise externe pour anticiper les évolutions majeures.
La formation régulière des équipes acheteuses, logistiques et des services douane est essentielle pour maintenir un haut niveau de vigilance. Des modules e-learning et des sessions présentielle couvrant la nature de l’EORI, les procédures de demande, les sanctions encourues et les outils de vérification assurent une appropriation rapide des bonnes pratiques. La diffusion de guides pratiques, de check-lists et d’alertes mensuelles sur les changements réglementaires renforce la culture douanière au sein de l’organisation.
L’analyse de cas concrets permet de tirer des enseignements tangibles et de mettre en place des actions correctives adaptées. Qu’il s’agisse de PME en quête de réactivité, de grands groupes cherchant à harmoniser leurs filiales ou des opérateurs confrontés aux conséquences du Brexit, chaque expérience nourrit la réflexion et affine les procédures internes. Les exemples suivants illustrent comment différents acteurs ont maîtrisé l’obligation EORI pour en faire un levier de compétitivité.
Une PME de produits agroalimentaires a réussi à obtenir son EORI en moins de 72 heures grâce à une préparation rigoureuse de son dossier. En prévoyant à l’avance l’extrait Kbis actualisé, une déclaration de l’existence économique et une attestation de domiciliation, l’entreprise a pu déposer une demande complète dès l’ouverture du portail douanier. Un suivi quotidien avec la DGDDI et la constitution d’un e-mail groupé aux services compétents ont permis de lever rapidement toutes les demandes de précisions, démontrant l’efficacité d’une préparation proactive.
Un groupe automobile présent dans dix pays européens a centralisé la gestion de ses EORI via une plateforme interne. Chaque filiale y saisit ses données, déclenchant automatiquement la génération et la mise à jour des numéros EORI auprès des administrations locales. Cette approche a réduit de 80 % les litiges liés à des numéros invalides et a permis une coordination étroite entre les directions juridiques, fiscales et logistiques. Les voyages d’échanges de bonnes pratiques entre filiales ont renforcé la maîtrise collective du dispositif.
L’impossibilité pour les opérateurs britanniques d’utiliser leur EORI UK pour des opérations UE a conduit de nombreuses entreprises à demander un double enregistrement en France et au Royaume-Uni. Cette démarche a nécessité une coordination fine entre les services administratifs des deux pays, la collecte de documents complémentaires (autorisation d’établissement, preuves de transaction) et la mise en place d’un suivi spécifique des expirations. Les sociétés qui ont anticipé ce double enregistrement ont évité des ruptures d’approvisionnement et des blocages de conteneurs à Douvres ou à Calais.
Une PME de produits électroniques a vu sa trésorerie mise à mal après trois mois d’immobilisation de ses stocks en douane, faute d’un EORI valide suite à une fusion interne non déclarée. Les coûts de stockage, la perte de contrats client et les pénalités cumulées ont plongé la société dans une situation irrémédiable, conduisant à une procédure collective. Cette faillite souligne l’importance vitale d’un suivi rigoureux des dispositifs administratifs et de l’impact réel que peut avoir un identifiant douanier mal géré.
La digitalisation des formalités douanières offre des opportunités majeures pour renforcer la fiabilité des numéros EORI. L’expérimentation de solutions blockchain pour certifier et historiser chaque attribution d’identité promet de réduire encore davantage les fraudes et les erreurs d’enregistrement. À l’échelle européenne, un projet d’harmonisation du format EORI, visant à intégrer des éléments biométriques ou des signatures électroniques, pourrait voir le jour dans les prochaines années.
Par ailleurs, l’émergence de contraintes environnementales dans la supply chain douanière invite à repenser les pratiques actuelles. La prise en compte de l’empreinte carbone des transports se couple désormais à la traçabilité des marchandises via l’EORI, ouvrant la voie à des démarches de reporting RSE renforcées. Les prestataires en douane, en tant qu’intermédiaires de confiance, joueront un rôle accru dans le développement de services à valeur ajoutée, combinant conformité, optimisation fiscale et réduction de l’impact écologique.
Enfin, l’évolution rapide des relations commerciales internationales, marquée par les accords de libre-échange en cours de négociation ou l’essor des approches de « trusted trader », suggère que l’EORI pourrait se transformer en un véritable passeport mondial des opérateurs. Les anticipations portent sur une reconnaissance réciproque des identifiants entre blocs commerciaux et l’intégration d’API globales permettant un échange sécurisé des données. Les entreprises qui sauront investir dès aujourd’hui dans ces nouvelles technologies tireront un avantage concurrentiel durable.
En définitive, le numéro EORI se révèle bien plus qu’une simple formalité administrative : il incarne le point de convergence entre conformité réglementaire, efficacité logistique et stratégie internationale. Mettre en place une gouvernance dédiée, des systèmes d’information intégrés et des programmes de formation ciblés constitue le tremplin pour sécuriser cette obligation et optimiser la compétitivité sur la scène mondiale.